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Chapitre 4 : dans les rues vides

J'ai arrêté d'écouter la radio ce matin. Quand les infos ont débuté sur France Inter, j’ai préféré sauter du lit et courir après le chien. Un petit orteil explosé plus tard, j’ai opté pour une station sans pubs et sans émissions : Radio Cultures Dijon. Le problème, c’est leur playlist en boucle depuis des mois et des mois, on connaît par cœur des chansons que personne ne connaît. Pourtant il y a de très bons airs (et aussi de très insupportables), mais on a comme un sentiment de lassitude à la cent cinquante septième écoute (je fais partie de ces gens-là qui écrivent les chiffres en toute lettre).

Marre d'entendre toujours les mêmes choses, musiques et actualités. Le streaming vient de remporter une immense bataille avec sa stratégie du les-autres-te-fatigueront-tôt-ou-tard, ce que nous exprimons en termes plus prosaïque par les expressions “ça me saoule”, “ça me fatigue”, “oh changez de disques un peu” (dernière expression qui présente d’ailleurs un fort anachronisme quant au support sonore cité).


Bref le confinement continue et la patience reste mise à rude épreuve, alors qu’elle demeurera notre seule arme pour les semaines à venir. Avec la musique qu’on peut choisir selon ses envies ! Pour ma part et par delà les moqueries, j’ai fait une journée Nosfell et François & The Atlas Moutains dont leur adaptation des Fleurs du Mal de Baudelaire (je n’avouerai que plus tard mon culte à Vincent Delerm dont le concert au Cèdre va sans doute être reporté. Argh ! Terrible et insupportable nouvelle !)).


Si on peut vivre comme Agnès / Se parler à deux dans la pièce / Et ressentir une émotion / Si on peut vivre une vie Varda / Marcher sur le sable comme ça / Faire une vie hors compétition


Pas de décombres macabres ou de cacophonies gouvernementales aujourd’hui. J’ai compris que, malheureusement, je ne pouvais pas venir en aide aux personnels soignants, ni masques ni gels hydroalcooliques cachés chez Ogma. J’ai aussi compris que le chômage partiel allait revenir dans la gueule des chefs d’entreprise et qu’il allait falloir se lever de bonne heure (bien plus que d’habitude) pour avoir droit à des aides. D’ailleurs, ce serait bien que vous retourniez au travail parce que l’économie commence à morfler ! De quoi ? Vous protéger ? Oh, on peut vous accorder une prime défiscalisée si vous voulez !

ogma dijon livraison renault kangoo
Ogma et son camion

Pour faire un trois en un (activité physique, promenade de chien, trajet maison-boulot), j’empoigne mon vélo et entame la douce et longue montée vers Talant. Une montée plutôt traître qui permet de profiter des joggers, des promeneurs, des retraités en promenade dans les combes de Talant. Quelle dommage d’avoir un si grand jardin autour de son pâté de maison ! Obligés de s’éloigner de son domicile de plusieurs kilomètres !

Pour eux, le coronavirus n'existe pas, c'est un truc lointain qui ne les touche pas, ça n'arrive qu'aux autres. D'ailleurs, ils ont quoi dans la tête ? Ils prennent le soleil, se dépensent un bon coup, tout va bien pour eux merci. Les autres ? Ah ça existe ?

Après tout, ils sont à la retraite ou en chômage partiel et, puisqu'ils peuvent sortir, en quoi ça les dérange que le confinement continue ? Les autres feront les efforts pour eux.

Certains font des marathons sur leur balcons ou tournent en rond dans leur cour intérieure, les cons ont besoin de grands espaces pour contenir leur égoïsme.

J'avais vraiment l'intention de travailler aujourd'hui, à peu près autant qu’avant le confinement. C’est à dire juste ce qu’il faut pour garder la santé !

Le parking du Super U semble bien plein dès neuf heures. Le bar les Vikings et Aqua City restent à l’arrêt car leur raison d’exister consiste à accueillir du public. Mes voisins de la société de nettoyage Aber Propreté n’étaient pas en pause clope et je n’ai pas pu perdre vingt minutes à discutailler. Plus loin, quelques camionnettes sortent de chez NRV, ils partent effectuer des travaux où ils peuvent encore le faire. J’ignore si, pour eux comme pour moi et d’autres, ils doivent ralentir à cause des fournisseurs fermés, des transporteurs qui éprouvent des difficultés à nous approvisionner ou des clients qui reportent pour l’après-fin-du-monde.


J’ai lancé une playlist punchy, en anglais, donc ne me demandez pas ce que j’en ai retenu car je parle aussi bien anglais que le chat d’Océane miaule doucement le matin vers six heures.

Finir les stickers pour le Dijon Singletrack, écheniller du Flex pour le badminton de Saint Apollinaire, pour l’association de tir de Gevrey Chambertin, pour Lasersound.

Chose à vous remonter le moral : j’ai rallumé ma presse, ma belle, ma précieuse, ma gracieuse SEFA double plateau, pneumatique et automatique. Oh quelle merveille ! J’ai doucement soufflé sur ses plateaux pour évacuer la poussière accumulée qui… oups je m’égare. Par contre j’ai vraiment toussé ! Comme dirait Alain, elle ne tourne pas assez. Ma pauvre petite chérie !

Et voilà que mes pouvoirs de divination ont été confirmés (le chapitre 3 écrit jeudi soir et nous sommes vendredi, je le rappelle).

Je m’apprête à réaliser le marquage d’une pile de sweats col rond à destination de l’école de gendarmerie (dont les portes ont été fermées et les élèves affectés sur le terrain pour renforcer les effectifs) quand le téléphone se met à sonner.

Mon cher Martin de la CPME 21 qui prend des nouvelles. Comment qu’on s’en sort ? Ben comme on peut, en attendant, en se demandant quelles règles pondues hier par le gouvernement vont être contredites demain. Il me conseille de suivre le site de la CPME avec un dossier mis à jour quotidiennement sur le coronavirus (on parle ici d’informations à destination des entreprises). Mais ça fait tellement plaisir dès que quelqu’un s’inquiète un peu ! On se dit qu’on compte un peu, qu’on n’est pas tout seul… Oh tiens Martin, si je pouvais, physiquement et légalement, je te prendrais dans mes bras.

Alors reprenons ces sweats (notons que je n’en ai que quinze à faire et que je dois enchaîner sur des tee shirts).

Deuxième coup de fil. Hey Fabrice, comment ça va ? Bien et toi, tu t’en sors ? On s’occupe, on essaye de faire tout ce qui traîne. Mais on a le temps avec ce confinement qui va passer à 4 ou 6 semaines. Et comment on va relancer la machine ? Question suprême et suprême questionnement. Du coup, débat, propositions, contre propositions et on se rappelle car je dois finir mes sweats.

Il ne m’en reste plus qu’un à faire.

Troisième coup de fil. Un devis à finaliser et la photo d’un premier de production à envoyer. Du coup, j’ouvre mes mails et j’explique à notre future stagiaire que, forcément, nous repoussons la date du début.


“Tu n’oublieras pas de faire les courses !”

C’est vrai que je dois filer m’occuper de ça. Je finis mon dernier sweat, plie le tout et me voilà en train d’embarquer ordinateur et écran pour continuer à potasser à la maison. Quitte à faire, je me suis offert des nouveaux logiciels de graphisme (Corel Draw qui est pour Adobe Illustrator ce que Apple est pour Windows, et non ce n’est pas mon genre d’exagérer) et de comptabilité (Ciel). Plus que le temps de les installer, de les prendre en main ! Ogma va être tellement à la pointe après tout ça… Si seulement je pouvais ajouter deux ou trois machines à ma collection. Il faudrait que je pense à faire un caprice prochainement.


Sur la rocade, on rencontre quelques voitures, assez peu en fait, et surtout pas d'embouteillage. Miracle ! Impossible que nous soyons entre Ahuy et la Toison d'Or, à moins qu'un ingénieur ait enfin réfléchi pendant la nuit… Une file de caddies devant le Géant Casino, rien de tout cela au Grand Frais. On propose des gants à l'entrée. Toutes les affichettes dans le magasin ont été préparées à la hâte, on les distingue mal et la typographie est banale (je suis le seul à m'être fait cette réflexion). Aucun ralentissement aux caisses ou ailleurs, juste des clients aux regards méfiants, qui font des écarts de deux mètres pour bien respecter la distanciation sociale.

Il faut maintenant retourner chez soi, trouver un stationnement non payant car, en période confinement, il faut quand même passer à l’horodateur. Merci Divia !

Il faut maintenant occuper l’après-midi sagement car Océane passe un examen à distance pour sa licence professionnelle. Je ne supporte plus Netflix ou Canal, j’ai l’impression de faire défiler mille fois les mêmes films et séries. Depuis leurs balcons, des voisins se sont mis à jouer des airs connus au ukulélé et d’autres suivent en chantant. J’en avais entendu parler sur les réseaux sociaux. Hier soir, j’ai entendu des gens applaudir le personnel soignant.

Allons nous changer le monde et prendre enfin soin de nous et des autres ?


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